Il y a bien longtemps, j’ai reçu une invitation d’un comité d’antiquaires bruxellois pour participer à un marché d’antiquaires prestigieux au pied de la Basilique de Koekelberg. Condition: faire une démonstration de mon travail. Et que je t’en vante le haut niveau, la richesse des visiteurs, prêts à dépenser des fortunes, la notoriété que cela m’apportera, etc. J’en avait ras le bol de ce discours très commun dans les invitations de ce genre. Puis je vois le prix demandé pour avoir l’honneur de participer. Là ils avaient fait fort ! C’était l’équivalent d’un mois de salaire d’une caissière…
Il est évident que je n’y aurais rien vendu: les passionnés d’antiquités n’achètent pas du neuf, et la technique Tiffany ne les intéresseront pas. Si j’avais fait de la restauration de vitraux, passe encore.
Devoir payer pour donner du verni à un évènement… heu… non.
J’étais très en colère: le travail des artisans créateurs est, d’une façon générale, très dévalorisé. Il est bien connu qu’il leur est impossible de ne vivre que du résultat de leur travail: on est content quand on a de quoi payer sa note d’électricité et ses fournitures. Quand je suis en colère, j’écris. Je jette sur papier toute mes frustrations, ma déception, voire: ma rancune. Puis je m’amuse à modifier la lettre pour la rendre aimable, ferme, et argumentée. J’ai raconté que c’est lors des portes ouvertes de mon atelier que je venais le mieux: les visiteurs pouvaient s’essayer à couper le verre, ouvraient de grand yeux en voyant les centaines de nuances de verre artisanal… J’ai expliqué qu’en dehors de l’atelier, les visiteurs ne peuvent pas se rendre compte de l’équipement dont on a besoin, des stocks de matériaux, des outils, du long travail de création.
Cette ré-écriture peut me prendre des heures, mais après, je me sens bien. Soulagée.
J’envoie la lettre.
6 mois après, je reçois une lettre émanant du Ministère des Classes Moyennes: “nous avons bien reçu votre lettre bla bla et elle nous a donné l’idée d’organiser une “Journée de l’Artisan” dans toute la Belgique, pour que les artisans puissent montrer et blabla. Vous êtes invitée à participer à la réunion où on discutera de la façon d’organiser cet événement…
J’ai ouvert de grands yeux évidemment…
Puis je me suis dit que cela valait la peine de s’exprimer, mais de façon courtoise et argumentée, plutôt que de râler dans son coin… Avoir aussi la chance de tomber au bon moment.
Et voilà !
Mon atelier prêt à recevoir les visiteurs, https://www.facebook.com/100007297308078/videos/691076659463862
